Les émeutes vues du Liban

Il est curieux de se trouver à Beyrouth dans le calme alors que les télévisions du monde entier ont les yeux rivés sur les banlieues en France. Paradoxe : le Liban réputé violent est bien plus calme que la France.

Nous nous promenons dans la rue et plusieurs personnes nous abordent après avoir appris que nous sommes français pour nous demander : « Que se passe-t-il en France ? » Nous leur disons que nous sommes aussi démunis qu’eux. Mais ils s’empressent de nous proposer deux explications de leur cru. Je soupçonne la télé notamment les télés arabes, de diffuser ces deux explications.

La première est une théorie du complot. Les jeunes sont manipulés par des comploteurs qui agissent contre la France, la démocratie, et l’Europe. Certains même évoquent un complot voulu par les américains. L’autre explication est le réveil organisé des musulmans, une prise de conscience non pas des opprimés économiques ou de ceux qui sont marginalisés dans le système économique. Mais au contraire, un soulevement de ceux dont l’identité religieuse a été bafouée.

Je m’empresse dans chaque cas pour démentir ces deux visions des choses qui sont fort éloignées de cette explosion violente mais spontanée. Personne ne semble vouloir accepter le fait spontané, l’imitation des faits de gloire vu à la télé, le rôle de ces mômes qui glandent tout en sachant que leur avenir n’a rien de brillant.

Vu du Moyen-Orient le refus de la spontanéité des émeutes donne des schémas d’explication délirants. Mais compréhensibles dans l’histoire particulière du Moyen Orient. Ça l’est beaucoup moins dans l’histoire politique de la France, comme le voudraient les communautaristes, au premier chef M. Sarkozy.

Au marché, un monsieur discute avec nous et fini par s’accorder à cette idée que les émeutes ne sont ni du fait des islamistes ou autres « ennemis de la démocratie », ni des américains (qui profiteraient de la dévalorisation de l’image de la France !!!). C’est vrai dit-il le coût de la vie a augmenté, qu’il n’y a pas de travail. Mais dieu qu’il est difficile de faire dire ces évidences. Comme on préfère avoir un bouc émissaire, se choisir un méchant.

Aller, tant qu’à faire, puisque nous sommes tous comme ça, je préfère choisir Sarkozy ! S’il n’a pas été responsable des émeutes, il a bien soufflé sur les incendies avec des mots inadmissibles dans la bouche d’un dirigeant politique. Ce roquet a l’air de savoir où il faut mordre. La France est face à un danger ien plus grave que ne le fut Le Pen : ce danger s’appelle Sarkozy.

Posté le 13 novembre 2005