La Chine fait couler de l’encre

Le Courrier International (France), L’Hebdo (Suisse) et The Economist (UK) écrivent sur la Chine (lire notamment sur la liste des intellectuels qu’a publié le Nanfang Zhoumou).

La peur du Chinois se précise. L’Hebdo montre un jeune cadre suisse en train de se faire bouffer dans un bol de nouilles avec des baguettes.

Les Chinois, eux, ont tendance a être plus modérés. Ainsi Wang Jian, économiste écrit :

« Il existe des entraves réelles à la croissance économique chinoise, qui sont d’ordre externe et non interne. L’an dernier, la Chine a consommé 30 % du pétrole extrait, 30 % de l’acier, 40 % du ciment et 25 % des investissements directs mondiaux. La hausse générale du prix des produits de base a sans aucun doute été tirée par la demande chinoise liée à la forte croissance du pays. Et ce n’est qu’un début ! Prenons l’exemple de l’acier : l’an dernier, les importations de la Chine en minerai de fer s’élevaient déjà à 150 millions de tonnes (30 % de l’ensemble des exportations mondiales), ce qui avait provoqué un envol des cours, qui avaient plus que doublé. Si l’on considère qu’en 2030 la Chine comptera 1,6 milliard d’individus et que le PIB moyen par habitant s’élèvera à 5 000 dollars, elle utilisera chaque année plus de 300 millions de tonnes d’acier et sa consommation en minerai de fer dépassera les 600 millions de tonnes, soit davantage que les quantités disponibles actuellement sur le marché mondial.
La situation est encore plus grave en ce qui concerne le pétrole et les céréales. A l’heure actuelle, la production pétrolière mondiale avoisine les 4 milliards de tonnes. Aujourd’hui, la part commercialisée de ces ressources représente 1,6 milliard de tonnes, soit 40 % de la production totale. A supposer que cette dernière atteigne 5 milliards, la quantité de pétrole mise sur le marché international pourrait alors s’élever à 2,2 ou 2,3 milliards de tonnes. La consommation de pétrole par habitant dépasse 1 tonne dans les pays industrialisés. Si la Chine, avec ses 1,6 milliard d’habitants, rejoignait leurs rangs, il lui faudrait donc 1,6 milliard de tonnes de pétrole, mais elle ne peut espérer produire elle-même au mieux que 200 millions de tonnes, en raison de ressources limitées. Autrement dit, il lui faudra importer 1,4 milliard de tonnes de pétrole, soit plus de 60 % des ressources disponibles. Pour les autres pays, il restera à peine 900 millions de tonnes, alors qu’aujourd’hui les importations pétrolières des Etats-Unis, du Japon et des pays européens dépassent déjà les 1,2 milliard de tonnes… La Chine pourra-t-elle vraiment obtenir de quoi satisfaire ses besoins ?
Quand le monde entier prendra conscience des bouleversements que la demande chinoise devrait à terme entraîner en matière d’offre et de demande de produits primaires sur le marché international, des limitations aux importations chinoises de matières premières apparaîtront inévitablement. A mon sens, la Chine ne pourra poursuivre son développement économique sans subir d’importantes restrictions au niveau mondial que jusqu’en 2010, dans le meilleur des cas. Il lui reste donc cinq à six ans. Si, durant ce laps de temps, la Chine s’impose des contraintes pour freiner sa croissance économique, elle risque de passer à côté d’une phase stratégique offrant de précieuses opportunités. »(dans Courrier International)

Pour ce qui est de la politique, par contre ça change moins que cela. Certains noms font encore mal au PCC. Le Nanfang Zhoumou a publié une liste qui inclut des noms comme ceux de Cui Jian, Zhang Sizhi, même ceux qui sont en exil, comme Bei Dao (qui méritait le Nobel de littérature), Hua Xingming, un opposant à la démolition des batiments historiques, Gao Yaojie, qui a parlé de l’épidémie du Sida dans le Henan, Wen Tiejun, connu pour dévoiler les problèmes de corruption dans les campagnes chinoises, He Weifang, un juriste qui a fait circuler une pétition sur les travailleurs migrants, et bien d’autres. Le quotidien du peuple a d’ailleur condamné l’expression "intellectuels publics" qui serait étranger et qui n’aurait de but que d’accroître la distance entre le parti et le peuple (publication à Shanghai le 23 novembre). Ces gens seraient d’un élitisme arrogant ! Le département de la propagande a signalé qu’il faut cesser de parler d’intellectuels publics. (voir le papier dans The Economist).

Le 13 Décembre Reuters signalait l’arrestation de trois autres intellectuels chinois : Liu Xiaobo, Yu Jie, et Zhang Zuhua. Ils ont été libéré après une courte arrestation. La police a signalé à la femme de Yu Jie de ne pas prendre de contacts avec les journalistes étrangers. Technique également utilisée contre l’épouse de Shi Tao, journaliste arrété à Taiyuan le 24 novembre dernier.

Il ne fait pas bon trop parler dans l’Empire du Milieu. Lire à ce sujet l’excellent livre de Chen Yan L’éveil de la Chine (que nous commenterons le mois prochain ici) ou l’excellent ouvrage de Ian Buruma sur les dissidents chinois.

Posté le 16 décembre 2004