Conférence de Robert Boyer

Dans le cadre du programme de Master 2 Erasmus Mundus EPOG (Economic Policies in the age of Globalisation), David Flacher qui le dirige a eu la bonne idée d’inviter Robert Boyer.

Non seulement s’agit-il d’un des principaux penseurs de "l’école de la régulation" mais c’est aussi un homme d’une grande modestie dans sonpropos. Il a présenté en une heure toute une série d’analyses sur les mécanismes de la crise actuelle qui sont particulièrement intéessantes. J’en ai retenu, évidemment, les aspects qui permettent de mieux comprendre la crise de la Grèce. On peut trouver certains des principes de l’analse dans l’article « Où va l’Union Européenne ? Sept scénario » L’économie politique, n°61 , Janvier 2014 (n° spécial "Economie politique des capitalismes"), La Découverte , Octobre 2014/1, pp.54-67.. Je retrouve dans ces analyses toute la richesse de la réflexion.

Analyses qui ne rendent pas très optimiste :

les négociations entre la Grèce et les institutions Européennes ont été bâties sur l’hypothèse d’un accord considéré comme inéluctable, Ceci a interdit d’explorer avec sérieux un plan B, fondé par exemple sur la construction d’une monnaie parallèle pour stimuler le circuit économique domestique , La précipitation et l’impréparation risquent de donner un tour dramatique au processus de sortie de LEuro.

Interview dans Libération (Juin 2015)

On lira aussi la concise mais très éclairant analyse de la crise grecque dans Le Monde (4 septembre 2015). Il souligne entre autres que :

  • il est préoccupant que « le premier déblocage des fonds du MES serve à rembourser un prêt de la BCE, arrivé à échéance » et donc que cet argent ne serve pas à financer l’économie mais servir l’intérêt de la dette ;
  • le protocole « ce dernier continue à prendre les symptômes de la crise pour ses causes. Pour les autorités européennes, à l’origine se trouve une gestion laxiste des finances publiques - hypothèse vérifiée dans le cas de la Grèce mais pas en Espagne ou Irlande - qui à son tour compromet la stabilité financière. En fait la libéralisation des flux de capitaux a joué un rôle déterminant dans l’émergence de bulles spéculatives immobilières et elle a facilité le financement des déficits publics. Lorsque la crise financière américaine se propage en Europe, les stabilisateurs automatiques et surtout la nécessité de sauvetage des systèmes financiers expliquent l’envolée de la dette publique, même dans les pays aussi vertueux que l’Allemagne. Clairement les politiques d’austérité ne sont pas à l’origine de la crise de l’euro. Mais a contrario elles ont plus aggravé que surmonté les déséquilibres structurels de l’économie grecque : de 2008 à 2013 la valeur ajoutée des petites et moyennes entreprises a chuté de 25 %, il en fut de même pour l’emploi dans un contexte où le nombre total des entreprises s’est réduit d’un tiers. Compte tenu du faible investissement et de la réduction de la population active, la production potentielle de la Grèce chute de près de 1 % par an. Comment imaginer un rétablissement des finances publiques dans un contexte où la base fiscale se contracte pendant près de sept ans, alors que se font pressantes les demandes de prise en compte du chômage et des demandes de soin en matière de santé ? L’hypothèse d’une reprise économique alimentée par une réduction des déficits publics s’est avérée radicalement fausse dans le cas de la Grèce. C’est pourtant ce que postule à nouveau le protocole d’accord avec le MES. »
  • la gestion des finances publiques, la réorganisation du système financier sont considérées comme indépendantes de la spécialisation productive de la Grèce

Robert Boyer est peut-être le seul économiste qui me fait regretter de ne pas avoir poursuivi en économie !

Posté le 13 septembre 2015