Controverse sur le réferendum : le oui n’est pas ouiouiste !

Sur son site remarquable, Mona Cholet part en campagne pour le Non. En lecteur assidu je tente une réponse.

Le Oui n’est pas ouiouiste !

Je me permets en lecteur assidu de Périphéries de vous exprimer mon désaccord sur le fond et la forme aussi de votre envoi du texte de Mme Mondzain. Je passe ma vie entière, comme cette dame, "à donner, à transmettre, à éveiller les esprits, à célébrer la puissance de la parole, le sens des émotions, à échanger des idées et des signes, à poser des questions, à proposer des figures, certes fragiles, mais si précieuses, du partage." Je l’ai fait à l’étranger et continue à le faire en France en collaboration avec de nombreux collègues et amis. (voir http://rigas.ouvaton.org). Je passe aussi mon temps à utiliser les institutions européennes dans mon travail pour donner une chance à l’expression des voix qui ne s’expriment qu’avec difficulté. De ce travail quotidien, je retire la conviction que nous devons oeuvrer pour transformer la commission européenne en quelque chose de plus structuré et surtout d’éviter qu’elle ne devienne un ramassis de fonctionnaires internationaux.

La Constitution telle qu’elle est proposée aujourd’hui, toute imparfaite qu’elle soit, contient des élèments qui vont dans ce sens. Elle renforce le pouvoir des citoyens et du Parlement, permettant de faire remonter les opinions des citoyens vers le Parlement directement, chose impossible dans les institutions actuelles. Elle donne une stabilité et une figure à la Commission. Elle institue des formes de co-décision qui n’existent pas actuellement. Elle institue un rôle primordial à la Cour de Justice Européenne, elle inclut la charte des droits fondamentaux. Elle donne donc des moyens pour que nous puissions agir sur les institutions européennes.

Mme Mondzain comme de nombreux partisans du Non actuellement s’en tienne à un quantique, certes charmeur, mais vide de sens. Que Mme Mondzain ou ceux qui partagent cette opinion nous disent concrètement comment veulent-ils exprimer les opinions de ceux qui veulent construire ensemble ? Ce texte imparfait est plus ouvert que ne le laisse entendre les mots de Mme Mondzain. Mais surtout en absence de ce texte, on en reste à la situation actuelle où le capital aura le dessus, où les groupes organisés des forces liberales ont le champ libre car le Traité de Nice et ses mécanismes actuels de décision sont cela et RIEN D’AUTRE. La situation actuelle est la pire qui soit. Elle enlisera l’Union dans l’immobilité institutionnelle. Dans cette immobilité seul bougera le capital !

Au moins la Constitution proposée a le bénéfice d’instituer la volonté populaire, ce qui devrait permettre aux organisations de ceux qui n’ont rien à vendre mais beaucoup à partager, d’exprimer leur volonté en utilisant des institutions où actuellement seuls les puissants ont accès.

Très cordialement,

Rigas Arvanitis

Mona Cholet a par la suite écrit une tartine un peu plus longue (et toujours intéressante) sur son intérêt pour le référendum.

Outre quelques obsessions, il y a un l’expression d’un malaise légitime. « On » nous prend pour des enfants, « on » construit l’Europe sans nous demander notre avis et, là tout de suite, « on » veut notre blanc-seing. Eh bien « Non », dit-elle en substance. Sur le même mode je dirais, ben « Oui » justement parce qu’on nous offre une meilleure tribune qu’auparavant. La Constitution offre la possibilité à la société civile d’introduire des modifications et des propositions de loi. Elle instaure un lien fort entre les citoyens et le Parlement.

Je retiens sur les arguments de force des tenants « mesurés » du Non : pas de droit du travail, pas de droit au divorce, pas de droit à l’avortement. Je ne vais pas pinailler, mais il me semble que l’introduction de la charte des droits fondamentaux est une avancée prodigieuse au sein de l’Europe. Et la constitution conforte les droits nationaux, notamment français sur les droits sociaux, y compris celui du travail et de la sécurité sociale qui reste dans le domaine des compétences nationales.

Mais c’est surtout les mécanismes institutionnels nouveaux qu’instaure la Constitution qui devraient permettre de faire évoluer le droit européen plus vite qu’il ne le fait actuellement et surtout sur ces sujets politiques et non pas sur les sujets strictement économiques (voir aussi l’avis de Geroges de Menil dans Libé du 19 avril). Si l’Europe s’est construite ces dernières années essentiellement sur les aspects économiques c’est aussi parce qu’il y avait un vide institutionnel qui reléguait les questions politiques (car les droits du travail, du divorce et de l’avortement sont des questions politiques) dans le néant. Avec ce projet constitutionnel, les députés européens prennent du galon. Leur voix sera mieux entendue. Je trouve cela appréciable.

J’en viens enfin à la question de qu’est-ce qu’on a si on n’approuve pas cette constitution. Eh bien, c’est le traité de Nice, la focalisation exclusive sur les directives européennes économiques -mécaniquement car en l’absence d’institutions plus politiques, c’est bien ce qui se passe dans les faits, les présidences tournantes qui sont assez improductives, le Parlement relégué dans son coin avec pas de prises de décisions en commun accord avec le Conseil, la non-présence de l’Union au niveau international autrement que par les désidératas des uns et des autres.

Nice c’est le pouvoir du capital réaffirmé, sans aucun contre-pouvoir, le traité constitutionnel redonne du sens politique aux institutions européennes.

Je met ici le texte de George de Menil, directeur de recherche à l’EHESS, publié dans Libé du 19 avril 2005, en téléchargement. J’espère que ni lui ni Libé ne m’en voudront !

Posté le 20 avril 2005