Les barbares

Un poème en hommage à Cavafis.

La surprise fut immense,
La peur fut notre lot.
Les murs de notre ville
Retentissaient de cris.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Nous n’avions que nos mains
Ils étaient trop nombreux
Aucun de nos efforts
Ne ne nous protégeaient plus.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils firent de nos maisons
Des ruines oubliées
Ils firent de nos amis
Des cadavres calcinés.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Repus de tant de haine,
Nos ennemis se turent.
Ils formaient une horde,
Comme sauvages à l’affût.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils firent des tours de garde
Pour assurer nos biens
Ils écoutèrent nos plaintes
Pour comprendre nos vies.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Les premiers à parler
Nous citèrent nos mérites
Et nous complimentèrent
Et nous fûmes ravis.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils quémandèrent notre aide
Pour construire des palais
Ils instaurèrent la paix
Et se mirent à parler.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils s’érigèrent en chefs
Et parlèrent pour nous.
Ils voulaient notre bien
Et nous firent la leçon.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils confondaient nos noms,
Se trompaient dans nos fêtes.
Ils modifiaient nos lieux,
Dessinaient nos jardins.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils oublièrent leur armes
Pour prévenir l’effroi.
Ils chantèrent nos louanges
Et nous firent à manger.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Ils séduisirent nos femmes,
Fascinèrent nos parents,
Enchantèrent nos enfants,
Instruisirent nos maîtres.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Nous faisions nos devoirs
Nous écoutions nos vieux
Et sans peur, sans attente,
Nous apprenions leur Dieux.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Nos besognes finies
Dans la lueur du soir
Nous jouissions du frais,
En attendant le jour.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Mais chaque jour nouveau
Nous regardions nos pères
Disparaître un à un
Emportés de vieillesse.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Nous consolions nos mères
En soignant nos enfants
L’attente nous étouffait
Qu’apaisait la fatigue.

Nos ennemis, les barbares,
étaient là !

Nous faisions nos travaux
Sans plus attendre le jour.
Nos ventres bien repus
Nous chantions le passé.

Nos ennemis, les barbares,
c’était nous !

Rigas

Lire en grec (écouter aussi) ou en anglais : En Attendantles barbares et autres poèmes de Constantin Cavafis (excellent site de Georges Barbanis).

Posté le 2 mai 2004