Philippe Roqueplo. Hommage à un homme bon

C’est avec tristesse que j’ai appris tardivement la mort de Philippe Roqueplo, l’homme qui m’a offert ma première fiche de paie, mais aussi sa confiance, son intelligence et sa bienveillance.

Philippe Roqueplo était un intellectuel brillant qui savait rendre vivants des sujets aussi obscurs que l’évaluation de la recherche à un moment où la France réinventait sa politique de recherche. Il dirigeait la partie "évaluation" d’un nouveau Centre de Prospective et d’évaluation.

Ce CPE était dirigé par Thierry Gaudin qui de son côté travaillait sur la prospective. Ces deux hommes faisaient partie des rénovateurs de la politique de la recherche après la victoire de François Mitterand en 1981.

Philippe Roqueplo dirigeait à cette époque un séminaire sur l’évaluation de la recherche et il s’était associé au Centre de Gestion (CGS) de l’école des Mines pour l’organisation de sessions de travail concernant les organisations de recherche en France. Chaque organisme était invité à expliquer comment il organisait l’évaluation de la recherche et deux secrétaires de séance recueillaient les débats. [1]

J’avais participé à ce séminaire en observateur alors que j’étais arrivé à l’école des Mines dans l’ombre de Bruno Latour. Après ce séminaire, Philppe Roqueplo m’a demandé de rédiger un rapport sur les indicateurs quantitatifs dans l’évaluation de la recherche. Pour cela, il m’a fait un contrat de travail comme chargé de mission, qui a été mon premier travail salarié ! ( [2]. Ce contrat m’a non seulement mis le pied à l’étrier, il m’a aussi permis d’effectuer deux courtes et très bénéfiques missions aux Etats-Unis auprès de divers organismes de recherche (NSF, NIH, NBS, et autres…). J’y ai aussi rencontré Francis Narin qui consolidait la première entreprise de conseil basée sur une analyse bibliométrique des brevets, ainsi que l’équipe assez extraordianire de lépoque de la « Science Indicators Unit » de la NSF qui produisait le rapport sur l’état de la science aux Etats-Unis connu sous l’intitulé de « Science Indicators ». Le directeur, Bob Coward est malheureusement mort assez vite de maladie, mais les autres membres comme Susan Cozzens ou Jennifer Bond, ont fait des carrières d’universitaires ou ont travaillé dans la haute administration à Washington. J’ai aussi rédigé, à la suite de la seconde mission, un second rapport (Les dilemmes de l’évaluation) , cette fois publié dans la collection « Etude CPE ». Malheureusement, mon exemplaire a disparu de ma bibliothèque personnelle, mais doit bien trouver ce rapport quelque part.

Hommage donc à un homme donc qui a été important dans ma vie et qui a publié quelques livres importants sur la science et l’expertise. Citons :

(1974) Le Partage du savoir : science, culture, vulgarisation. Paris : Le Seuil.
(1983) Penser la technique : pour une démocratie concrète. Paris : Le Seuil.
(1988). Pluies acides : Menaces pour l’Europe. Paris : Economica.
(1993) Climat sous surveillance. Limites et conditions de l’expertise scientifique. Paris : Economica.
(1997) Entre savoir et décision, l’expertise scientifique INRA, collection Sciences en question.

[1On trouvera un compendium de ces débats dans un rapport : Roqueplo, P., coord. (1986). Les structures d’évaluation de la recherche des grands instituts de recherche français (Rapport final du séminaire sur les structures évaluatives de la recherche. Rapport établit par le Centre de Gestion Scientifique, Ecole des Mines de Paris pour le Centre d’Evaluation et de Prospective).

[2Lire le rapport ici :

  • Arvanitis, R. (1983) L’évaluation de la recherche aux Etats unis et l’utilisation de mesures quantitatives de la science. Rapport de recherche pour le Centre d’Evaluation et de Prospective (CPE), Ministère de l’Industrie et de la Recherche , Juin 1983. Centre de Sociologie de l’Innovation, Ecole des Mines de Paris. A télécharger dans la base Horizon Pleins-textes.
Posté le 26 juin 2024