Incendies en Grèce : colère, clientélisme, aide nécessaire

Une tribune publiée sur www.rue89.com, que je remercie chaleureusement.

Des milliers de manifestants ont donc répondu à l’appel lancé sur le net par des bloggeurs. La manif a probablement rassemblé plus de 10.000 personnes ce qui est remarquable étant donné l’informalité qui a entouré son organisation (voir sur le site d’information in.gr et en anglais sur E-kathimerini). Des manifestations ont aussi eu lieu à Thessalonique, où le seul panneau indiquait « Devenons la voix de la forêt, la conscience de la société », à Iraklio en Crète, et dans de nombreuses autres villes de province. Ainsi l’appel à « La colère sourde, le silence assourdissant » a été suivi. La police est intervenue à Athènes en lançant des grenades qui faisaient un bruit ... assourdissant. Des organisateurs ont dénoncé cette attaque comme une provocation.

Manif du 29/8 à Athènes

Le suivi de la manifestation est un événement en soi. D’abord, il souligne l’importance qu’a prit l’internet en Grèce dans la vie sociale. Une importance qui ne s’est pas encore traduite dans la vie politique. Ensuite, il montre une nouvelle génération qui revendique des formes d’actions nouvelles. Enfin, il montre que les grecs « modernes ne résument pas à une poignée d’enfants gâtés, consommateurs effrénés, bons vivants, insouciants et individualistes, comme cela leur est si fréquemment reproché. D’ailleurs, les commentaires laissés sur les sites d’information les plus « neutres » comme le site in.gr laissaient présager un rassemblement de cette espèce où le sentiment dominant est non seulement la colère face au gouvernement mais aussi la honte d’avoir eu à vivre et partager cette défaite.

Car c’est bien d’une défaite non pas dans la guerre les incendies mais dans l’organisation sociale. La controverse enflammée -sans jeux de mots- fait rage en ce moment à Athènes. Le représentant du gouvernement, M. Roussopoulos a répondu hier aux déclarations du parti d’opposition PASOK qui l’accusait de fournir des renseignements inexacts. Mme Bakoyanni, Ministre des Affaires Etrangères a repris à son compte la théorie ridiculisée par la presse sur l’existence d’un complot contre la Grèce (To Vima, 30/8 page A5), en parlant de groupes qui veulent déstabiliser l’état. La défaite s’exprime aussi dans les titres des journaux du jour sur les queues qui se sont formé pour recevoir les subventions aux personnes ayant perdu leurs biens. Le parti au pouvoir de la Nouvelle Démocratie a semble-t-il court-circuité les préfets, maires et autorités locales afin de distribuer des demandes de subventions immédiates de 3000 euros sans justificatifs. Le préfet du département de Ilia, un des plus durement touchés au Péloponnèse, a déclaré que certaines personnes se sont même présentées plusieurs fois pour empocher l’argent. « Le gouvernement a remplacé les autorités locales par les banques », accuse-t-il. C’est évidemment à se demander si le parti au pouvoir n’a pas cédé à la panique de perdre les élections et se présente en sauveur du dernier instant, en « transformant les citoyens en mendiants » accuse le PASOK. Les maires et les employés des banques scandalisés ont dénoncés cette situation (Kathimerini). Du clientélisme bien traditionnel cette fois encore sur les cendres encore fumantes. Selon le porte-parole du gouvernement, 7496 demandes ont ainsi été honorées -il faudrait ajouter : de la manière la plus démagogique- ce qui représente 24 millions d’euros (Vima, page A3, reportage de V. Nedos). Rappelons que le budget de lutte contre les incendies était de 22 millions d’euros en début d’année parmi lesquels seuls 8 millions d’euros furent distribués avant l’été, au compte-goutte et souvent de manière « aléatoire » (entendez, avec beaucoup de favoritisme exercés par les Maires).

Les journaux étrangers sont scrutés avec attention par la presse grecque. Le Times de Londres tente de se montrer « apolitique » en attaquant l’incurie gouvernementale mais aussi le PASOK, principal parti d’opposition, accusé de vouloir tourner la situation à son avantage. Le Financial Times a parlé de « cadeau fait aux promoteurs ». Il est peut-être un peu tôt pour dire cela : le principal souci pour le moment est encore d’éteindre les incendies et de fournir de l’aide aux personnes touchées par les incendies. Les médias français (il faut le souligner) ont été plus neutres et reflètent mieux le sentiment d’attente, de honte, de désarroi de la population. Ceci se traduit par des sondages d’opinions qui semblent montrer que quelque soit le gagnant des élections législatives du 16 septembre, il aura une faible majorité. Les petits partis en sortiront certainement renforcés et le bi-partisme actuel risque d’en prendre un coup.

Les incendies continuent même s’ils sont moins forts. En Arcadie de nouveaux villages ont été évacués. Le porte-parole des pompiers a déclaré être inquiet au vu de la prochaine vague de chaleur qui s’annonce pour Samedi et Dimanche prochains.

Le site www.ihelp.gr a été mis en place sur l’initiative du groupe de presse Lambrakis, qui permet de rassembler les contributions notamment de l’étranger. La Banque de Grèce a aussi établi un compte pour y verser de l’aide aux victimes (link) : Hellenic Republic-Relief Account for Fire Victims", ΙΒΑΝ GR9801000230000002341103053 and SWIFT/BIC : BNGRGRAA, Bank of Greece, Government Accounts Section.


  • Des infos sur l’aide sur place sur le site Anadasosi (Reboisement) ou de nombreux autres sites (whispering planet, par exemple).
  • Cet article fait suite aux articles précédents ici, ici, et encore ici.
Posté le 30 août 2007