Cours sur les politiques scientifiques et technologiques dans les PED

Ceci sont mes notes du cours donné au Magistère en Sciences Sociales, Université Paris V.

Science et Technologie dans les pays en développement

Introduction à l’étude sociologique des activités scientifiques dans le monde en développement

Rigas Arvanitis

(Voir d’autres cours et formations, click ici)

Institut de Recherche pour le Développement
Unité de recherche « Savoirs et développement »


Ceci sont mes notes du cours donné au Magistère en Sciences Sociales, Université Paris V.

Introduction


L’activité scientifique dépend du contexte social et politique dans laquelle elle se déroule.

Elle est historiquement concomitante de l’urbanisation, de la création d’institutions spécifiques dédiées à la recherche, de l’activité de certaines personnalités, de la présence de personnes qui se laissent guider par un intérêt de recherche, des relations internationales dans lesquelles ebst inséré le pays où s’effectuent ces travaux, des activités des autorités en leur faveur, enfin de la manière dont les entreprises expriment leurs demandes de recherche et leur besoins en personnes de haut niveau (ingénieurs et chercheurs).

Ce catalogue à la Prévert nécessite un fil conducteur ! Ce sera la notion de savoirs productifs.

Approches :

(voir papier de Shrum et Shenhav, 1995)

  • la modernisation, la création de l’état-nation et des institutions nationales
  • les théories de la dépendance
  • l’institutionnalisation
  • les communautés scientifiques
  • la constitution et l’appropriation des « savoirs utiles  » ou savoirs productifs (savoirs qui se trouvent à la charnière entre la production et les sciences de laboratoires. Innovation, usages des savoirs,

Ces approches ne sont pas mutuellement exclusives ; elles mettent l’accent sur des aspects différents.

  • modernisation  création d’un cadre juridique, économique, idéologique, national.
  • Théorie de la dépendance  les relations internationales.
  • l’institutionnalisation  création d’institutions qui produisent du savoir
  • les communautés scientifiques  la formation de groupes sociaux dédiés à la recherche et à la circulation des savoirs scientifiques.
  • les savoirs productifs la constitution de lieux de recherche qui unissent production des savoirs et utilisation non-scientifique de ces savoirs.

Définitions

(Lire : Arvanitis, 2003, première partie)

Il est d’usage de définir et de débattre des termes « science », « technologie », « innovation » etc. Cette volonté de définition est en relation étroite non pas avec l’activité scientifique elle-même (ce que font les chercheurs dans leurs laboratoires), mais avec la politique scientifique et technologique, qui a besoin d’un cadre de référence. Cf. cet extrait de Arvanitis 2004 :

Questions of definition are a highly academic exercise. But, as Lewis Branscomb states in Investing in Innovation :
“they lie at the heart of public policy debates about technology policy, not only because science is both a source and a product of technology, but because the boundaries between research that leads to new technical knowledge and research that leads to scientific understanding are obscure and often misunderstood. Before one can create a policy for public investment in research, one must know more about the goals of the work, who its intended beneficiaries might be, and how these results might reach those who can use them beneficially. These are the attributes that should determine the role of government in funding technical work, not the narrow distinctions between science and technology”.

Il existe de nombreux manuels qui définissent ces activités S&T. Ce sont des manuels à l’usage des statisticiens ou de l’administration de l’état quand elle doit présenter -et justifier- son budget :

  • Le Manuel de Frascati : OCDE (1993). Proposed standard practice for surveys of research and experimental development. Frascati Manual Lire ici un résumé de la version 1993
  • Le Manuel d’Oslo : OCDE (1992). Oslo Manual. OECD Proposed Guidelines for Collecting and interpreting Technological Innovation Data.Lire ici (PDF)
  • Le manuel de politique de l’UNESCO (1981). Introduction à l’analyse politique en science et technologie / Introduction to Policy Analysis in Science and Technology. Paris, UNESCO, Etudes & Document de Politique Scientifique no. 46. 124 pp.
  • Manuel statistique (assez ancien) : UNESCO (1970). Manuel d’inventaire du potentiel scientifique et technique national. Paris, UNESCO,Etudes & Documents de Politique Scientifique.


BOX 1 : DEFINITIONS OF RESEARCH
“Research and development” (R&D) refers usually to research, both basic and applied, and technological development activities in the sciences and engineering, as well as in R&D plants in businesses. The term is commonly used to refer to research activities in firms. Some institutions, for instance the European Union, prefer to use the abbreviation RTD.

Research is systematic study directed toward fuller scientific understanding of a subject. It is commonly classified as either basic or applied research, on the basis of either the objectives of the work done, or the objectives of the institution that carries it out or the agency that sponsors it. The latter approach to distinguishing between basic and applied research appears more realistic, because in practice it is difficult to distinguish them. None the less, definitions proposed by the Frascati Manual or the American Association for the Advancement of Science (AAAS) - to take only two examples - insist on defining the nature of the research activity by its purposes and objectives.

In basic research the objective of the sponsoring agency is to gain fuller knowledge or understanding of the fundamental aspects of phenomena and of observable facts without specific applications toward processes or products in mind.

In applied research the objective of the sponsoring agency is to gain knowledge or understanding necessary for determining how a recognized and specific need may be met.

Development
is the systematic use of the knowledge or understanding gained from research for the production of useful materials, devices, systems, or methods, including design, development, and improvement of prototypes and new processes. It does not include quality control, routing product testing and evaluation.

Source
 : adapted from the OECD Frascati Manual and definitions proposed by the National Science Foundation, Federal R&D Funding by Budget Function Fiscal Years 1994-96, NSF 95-342, 1995, and other NSF publications.)

En dehors de l’exercice de politique scientifique, seuls les épistémologues patentés (et philosophes de formation) ont besoin de définitions assez précises des activités de recherche. C’est dans les controverses sur le savoir que l’on voit apparaître des phrases comme « la recherche c’est ... », « la science c’est ... » , « la technique c’est.... » (ou ce n’est pas). Mario Bunge, grand ennemi de la sociologie des sciences, a même rédigé une sorte de code de ce qui devrait ou ne devrait pas faire partie de la science !

Autre constante : les critiques de la technologie (voir notamment Ellul), notamment quand leur critique se veut philosophique, définissent et redéfinissent ce qui est et ce qu n’est pas de la recherche, de la science, de la technologie.

Quelques faits stylisés sur le développement des savoirs

Ces quelques remarques sont issues des observations de la sociologie des sciences et des techniques :

L’exercice qui consiste à vouloir définir est toujours un exercice qui établit des limites, des frontières. Or les chercheurs eux-mêmes, assez souvent, notamment en commission d’évaluation, lors des évaluations des travaux des collègues passent leur temps à définir ce qui est et ce qui ne relève pas de leur propre champs d’action. En sociologie des sciences, on emploie les termes de « boundary objects  » pour définir les sujets, les artefacts et les créations des chercheurs qui redéfinissent les références entre les acteurs, les objets, les espaces. Le travail scientifique définit toujours des frontières.

Autre point important : contrairement à ce qui se disait jusque dans les années quatre-vingt, la recherche ne constitue pas un savoir exploitable par accumulation. Le savoir n’est en fait exploitable que dans sa circulation. Une banque de données, une banque de germoplasmes, une liste d’espèces animales et végétales protégées n’a de sens que s’il existe des usagers qui l’utilisent (voir travaux de Geoff Bowker). Ce n’est donc pas des stocks de savoir qui se constituent avec la recherche (même si le terme employé est souvent celui de base de savoir) mais de compétences qui permettent de faire circuler ces savoirs. La création de savoirs et leur circulation sont deux faits sociaux étroitement imbriqués. La création de réseaux dans lesquels circulent les savoirs est intimement liée aux connaissances qui sont ainsi créées. (par contre la manière de penser cette circulation varie beaucoup selon les auteurs).

De cette observation en découle une autre : l’appropriation des savoirs est un processus central au développement scientifique. La manière dont se fait cette appropriation importe beaucoup, car elle permet d’expliquer les configurations sociales et le développement non seulement des savoirs mais le développement tout court. Voir les débats sur les médecins et le SIDA, la recherche sur les maladies génétiques, les débats sur l’usage des savoirs locaux dans les PED par des entreprises qui brevètent des plantes contenant des substances pharmaceutiques actives. Voir aussi les débats sur le rôle de l’expertise et des experts qui montre que les experts ne sont pas des sources de connaissances incontestables.

Enfin, l’unité de base de la recherche scientifique est le laboratoire. En réalité le laboratoire est à la recherche ce que l’entreprise est à l’économie : une unité active qui transforme les ressources, une organisation et un lieu de création et d’émission de nouveaux produits, savoirs et services. Les laboratoires, tout comme les entreprises, peuvent avoir des formes très variées : observatoire clos des planètes et des systèmes stellaires, équipe agronomique se promenant dans la nature, unité installée dans un hôpital et collaborant activement avec un service médical, bateau océanographique, etc... Voir les travaux de Philippe Larédo, Michel Callon et Philippe Mustar sur l’organisation des laboratoires.

Comprendre la participation de la recherche au développement, c’est comprendre la construction des savoirs productifs. (Cf. texte de réflexion de Arvanitis sur les savoirs productifs)

Contexte général

(Voir Arvanitis, 2001, troisième partie)

Le contexte sociopolitique a énormément changé dans le courant des années quatre-vingt dix, et ces changements ont des conséquences directes sur les activités scientifiques, car la demande en connaissances a changé de nature. Petit catalogue :

1. Sciences et technologies sont devenus des domaines extrêmement proche. Une connaissance fine de la matière, de la vie, de l’énergie, du temps et des conditions écologiques est de plus en plus nécessaire pour le développement des technologies exploitables (commercialement ou pas). Les nouveaux domaines comme les nouveaux matériaux, les nanotechnologies, l’électronique de haute integration (circuits imprimés), les biotechnologies, les nouvelles sources d’énergie, les nouveaux médicaments sont autant de mix de science et de techniques. Cela se traduit aussi dans les budgets, les négociations budgétaires, l’organisation des laboratoires.
2. La recherche financée sur fonds privée est devenue plus importante. Les dépenses de R&D ont augmenté à la faveur d’une augmentation des financements des entreprises, une réduction des budgets militaires, une réorganisation de la recherche. Cela a des effets importants sur les PED aussi, dans la mesure où les financements de la recherche sont moins publics et plus privés. Le rôle des entreprises se fait aussi sentir sur les coopérations internationales (voir travaux sur les association stratégiques de développement technologiques, cf. Arvanitis et Vonortas ; voir aussi les rapports de l’OCDE à ce sujet, notamment le rapport de 1992 : « La technologie et l’économie. Les relations déterminantes »). Tendance à voir dans le détail. Ce mouvement s’accompagne aussi par une sorte de repli de la R&D des entreprises vers des activités à plus court terme, rentables.
3. Les problèmes dits environnementaux sont sur le devant de la scène politique. Ce qui se joue est un jeu complexe entre les autorités nationales, les grandes corporations, les ONG actives. Le développement durable est cependant aussi une sorte de bannière de ralliements des chercheurs. La question se pose d’autant plus dans les PED qu0il détiennent une part importante de « biens naturels » sur leurs territoires (faune et flore), et se pose la question de leur statut de bien public.
4. La pression du public sur les autorités et la recherche est devenu une réalité incontournable. L’usage de la science ne se limite plus à l’appel à quelques experts à la barre. Voir le rôle des malades sur la recherche sur le SIDA, les myopathies. Voir le rôle complexe des états africains et des activistes des PED sur les pharma multinationales.
5. Les technologies de l’information jouent un rôle central, ou plus exactement transversal dans le développement S&T. elles sont infrastructure intellectuelle et matérielle. Les PED ont été particulièrement frappés par la « fracture digitale » les inégalités en information sont encore plus élevées que les inégalités matérielles (Voir les rapports de la Banque Mondiale, notamment rapport de 1999 sur « Le savoir au service du développement »).
6. Les relations nord-Sud ont changé de nature politique depuis la chute du mur de Berlin. L’aide au développement a baissé. Elle s’est aussi réorientée vers des domaines qui intéressent directement les pays riches. Comme le dit Lawrence Busch : « on n’a plus vraiment besoin du Tiers Monde ». Du coup les formes d’aide à la coopération scientifique internationale ont été profondément modifiées (voir les travaux de Gaillard). A côté de cela, le brain drain (fuite des cerveaux) s’est accentué en dépit de la mise n place de politiques de retour au pays (Colombie, Afrique du Sud, Mexique, Chine).
7. La mondialisation a démultiplié la présence d’organismes supra-nationaux qui côtoient les entreprises multinationales et qui offrent avec plus ou moins de succès des financements pour la recherche (Banque Mondial, Union Européenne, Agences de développement américaine, canadienne, etc...)

La faible et croissante place des PED dans la production scientifique mondiale

Comment mesurer la contribution des PED dans la recherche.

Production scientifique (bibliométrie). Contribution autour de 5%.[Voir cartes de Braun et Schubert]

Mais regarder de plus près, par disciplines : Arvanitis et Chatelin (1988 ; 1988 ; Arvanitis, 2004) montrent que si on s’intéresse à un domaine particulièrement intéressant pour les PED, alors leur contribution peut atteindre jusqu’à 50%.

De même, la situation des pays non anglophones (voir le cas de la Chine)

Endogamie dans certain cas [Gaillard ; Velho ; Arvanitis et Chatelin].

Cependant, la science dans les PED peut être aussi efficace et sa croissance est réelle (cf. article de Holmgen et Schnitzer 2004).

Pour comprendre la croissance, il faut comprendre les stratégies des laboratoires, des chercheurs, pas la stratégie « nationale ». On comprend que ce travail, nécessairement qualitatif, a moins de chance d’être compris par les politiques que la présentation de statistiques et d’indicateurs.

Examiner certains domaines ciblés où l’action de l’état joue un rôle important (ex. recherche militaire, domaines stratégiques comme l’électronique de haut niveau, les réseaux, les biotechnologies, politiques d’accueils de savants exilés, politiques préférentielles de bourses, choix de partenaires technologiques). Derrière chaque initiative il y a des groupes de chercheurs, d’ingénieurs, qui promeuvent la politique nationale. C’est notre ignorance de ces groupes qui nous fait oublier que la politique ne s’établit pas par la force de la loi, mais par l’action quotidienne, patiente et tenace de certains groupes d’hommes.

Les conditions historiques : Sciences coloniales, science nationale et institutionnalisation

(Voir : Vessuri, 1994))

Il est difficile, sinon impossible, de parler de développement de la science et de la technologie sans faire référence aux conditions historiques de leur émergence. La notion de science coloniale (popularisée avec un article de Basalla de 1967) a été une sorte de boîte de Pandore qui une fois ouverte a déversé toute sorte de réflexions et de travaux les plus contradictoires. [Si cet article est très contestable, les travaux d’histoire des techniques de Basalla sont par contre forts intéressants]

Pour aussi caricaturale que se soit, on peut suivre cette sorte de classement pseudo-historique pour situer le mouvement de l’institutionnalisation. Il y aurait donc trois périodes du développement scientifique de la science « occidentale » dans le monde :
1. Une phase exploratoire. Scientifiques individuels, explorateurs et voyageurs sous les tropiques.
2. Une phase coloniale. Organismes intégrant la recherche à l’exploitation des ressources naturelles.
3. Une phase autonome. Après les indépendances, où on assiste à l’institutionnalisation de la recherche et la création d’institution d’enseignement supérieur.

Critiques diverses de cette analyse (son côté caricaturale et réducteur, le côté inéluctable de ce développement, mais surtout travaux divers (notamment les travaux sur Science et Empires (Petitjean, Jami et Moulin, 1992) en histoire des sciences).

Critique qui aboutit à une révision de cette vision linéaire du développement. Difficulté est de comprendre cet échange entre production locale des savoirs et instauration de systèmes de recherche copiés sur le modèle des pays riches. Exemple des USA et du Japon est intéressant à cet égard (Voir les travaux de Ian Inkster). Pays qui ont créé des institutions originales tout en important massivement des connaissances (ou des immigrés, cas des USA).

Mise en place d’institutions originales, participation active des autorités au développement avec un développement parallèle d’un secteur privé formé d’entreprises dans des domaines industriels, effort soutenu de production, et surtout un certain « calme » politique, une société qui utilise ses diplômés.

L’institutionnalisation

Dans le livre « Scientific communities in the developing world » (Gaillard, Krishna et Waast, 1994) on pourra lire des exemples montrant que cette institutionnalisation n’a pas toujours suivi un cheminement linéaire. La science coloniale a été le moment durant lequel se sont créées plusieurs institutions. L’institutionnalisation en réalité a commencé sous l’égide du colonisateur.

Muséums d’histoire naturelle, recherche agronomique et botanique in situ, Ecole des Mines dans les pays miniers (Mexique, Pérou, Bolivie, Maroc), Programmes de recherche sur les maladies tropicales et services d’épidémiologie (Voir en Argentine, au Venezuela).

Exemples qui montrent des « styles de développement scientifique » très différenciés :

• La France en Afrique, développement de sciences coloniales en France, non sans peine (Bonneuil), faiblesse de la recherche scientifique locale.

• En Inde, les sciences « impériales » n’ont pas empêché la création d’institutions d’enseignement supérieur et de recherche. Après l’indépendance et la mort du Gandhi, Nehru a mis en avant le nécessaire développement de la science et des sciences de l’ingénieur. Des scientifiques très liés à l’étranger qui se sont abrités dans des institutions nouvelles en opposition aux grandes institutions coloniales. Une science donc très ouverte.

• Tout à l’opposé, le Brésil connaît un développement plus mouvementé abrité dans des grandes universités. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas spécifique au Brésil ; on le rencontre au Venezuela, au Pérou, au Mexique où les universités abritent les principaux centres de recherche et cela pendant longtemps. Mais ces chercheurs publient volontiers dans des revues locales. Là encore, cette situation s’est modifiée drastiquement avec la chute des budgets pour les universités.

• Une recherche plus « nationale » et qui a tenté de créer des institutions sans colonisation est celui de la Thailande (Gaillard). Après une première croissance très élitiste appuyée par la famille royale, suit une longue période où les chercheurs ont eu du mal à voir reconnaître leur statut. Situation qui commence à changer depuis les années quatre-vingt.

Pendant les année 80 on a cherché à fournir une typologie de pays avec des variables essentiellement économiques. Les années quatre-vingt dix ont marqué une rupture.

En effet, on ne peut pas comprendre le rôle de la science dans ces pays sans comprendre la création et le développement des Universités. A partir des années 80 la plupart des pays connaissent une massification des universités, avec l’entrée massive des étudiants. Le débat sur les universités et la recherche fait rage à cette époque. Le problème de la science appliquée et des liens universités-production est posé de manière insistante.

A cette même époque apparaissent de nouveaux centres de recherche appliquée : des centres techniques, des centres d’ingénieurs. Exemple l’Inde et les écoles de formation d’ingénieur software, les instituts techniques au Mexique. Centres techniques qui se trouvent dans une situation difficile entre une université massive, peu intéressée par la recherche mais qui abrite l’essentiel des chercheurs et professeurs universitaires et un secteur de production assez peu intéressé par la recherche

L’émergence des communautés scientifiques

(Gaillard, 1994) ; (Gaillard, Krishna et Waast, 1997))

Plus vaste que les institutions, la communauté scientifique regroupe un ensemble de personnes qui sont animés par des mécanismes d’échanges, de diffusion et d’appréciation des résultats des travaux, d’évaluation.

Quatre activités sont les marques les plus visibles d’une communauté scientifique :

  • l’existence d’académie ou d’associations scientifiques (AsoVAC, SBPC, modèle de l’AAAS)
  • la tenue de réunions scientifiques (Exemple les congrès de catalyse en Amérique latine, (Vessuri et Canino, 2002))
  • la circulation des revues scientifiques (difficulté des revues institutionnelles)
  • les coopérations internationales (Exemple la coopération en catalyse entre la France et le Vénézuela (Arvanitis et Vessuri, 2001)

Le concept de communauté à été abondamment critiqué, mais il est heuristique. De plus aucun autre concept n’a été proposé qui permette de rendre compte de ces activités.

La communauté scientifique permet de faire circuler les ressources, les formations, les idées. Elle permet de donner un sens au travail du labo. Elle est un réseau de personnes avant d’être un réseau d’institutions. Cela peut créer des conflits entre réseau personnel et réseau d’institutions qui sont difficiles à éviter dans la mesure où les représentants des institutions n’ont pas forcément les mêmes intérêts que les scientifiques qui participent de ces réseaux.

Une communauté scientifique correspond plus à une division disciplinaire : les sciences agricoles, les sciences biomédicales, la chimie, la catalyse.... Avec la croissance on a aussi un mouvement de multiplication des « Communautés scientifiques ».

Mais il y a un sens aussi très politique. La communauté scientifique peut être composé de ce groupe de personnes qui influencent les politiques de l’état, et qui dirigent les recherches ou en tout cas qui en impulse la professionnalisation.

La professionnalisation

On assiste à un mouvement de « professionnalisation » que les chercheurs ont demandé de tous leurs vœux. Comme créer la fonction « recherche ». Ainsi, alors que les associations professionnelles dans les années 60 et 70 se sont attachés à une défense nationale, à un rôle politique, à partir de la fin des années quatre-vingt elles deviennent des caisses de résonances de revendications plus syndicales, comme le démontre l’exemple de la SBPC au Brésil. Aujourd’hui, quand les chercheurs ne sont pas organisés avec autrant de force, c’est leur participation à des actions de l’état qui deviennent essentielle. Exemple l’évaluation au Maroc (Waast). Ce qui se joue est alors la reconnaissance du statut de chercheur.

Sont alors en jeu :

  • l’accès aux ressources (budget, salaires, position institutionnelle, statut du chercheur)
  • la formation à la recherche
  • la création de laboratoires et reconnaissance de leur position au sein de la structure universitaire et administrative de l’état.
  • l’accès aux données et aux terrains.

Latour a montré dans « La science en Action » (Latour, 1987) le mouvement de va et vient entre le « dedans » du labo et le dehors. Le problème de nombreux PED est que la stabilité du labo n’est pas assurée, « le dedans » est instable car très dépendant des ressources et du fonctionnement de l’état. Pour une version plus récente du même type d’analyse, voir le livre de Callon et alii 1995 Agri dans un monde incertain (Callon, Lascoumes et Barthe, 2001)

Voir ensuite les caractéristiques des chercheurs dans les PED. Exemple Gaillard 1994. Leur principale difficulté est d’être pris face à un dilemme : l’insertion dans ce que les chercheurs appellent la « CS internationale » et la volonté de participer à la résolution des besoins locaux.

Cette question est insoluble si on considère que les chercheurs universitaires sont d’un côté et les chercheurs « appliqués » se trouvent de l’autre côté. L’exemple par exemple du projet de Polymères au Mexique montre que ce n’est pas le cas. (Arvanitis, 1996)

Le programme du chercheur est un champ de force :

  • volonté personnelle
  • moyens et place du labo
  • les partenaires de la recherche (nationaux, internationaux)
  • l’institution (université, centre technique, école d’ingénieur)
  • l’insertion dans un projet politique (ou pas, auquel cas il y a des « fuites » : brain drain, abandon de la recherche, repli sur des projets individuels).

Comme le disait Amilcar Herrera (chercheur argentin qui a réfléchi sur le développement S&T dans le cadre ce que l’on a appelé le courant des théories de la dépendance) un domaine « implicite » de la politique scientifique : c’est le résultat de cette insertion politique de la recherche.

Le rôle de l’état

La politique scientifique de l’état est l’expression explicite de l’institutionnalisation.

Les politiques classiques de développement scientifique et technologique

Objectifs généraux :

  • créer des institutions de recherche, favoriser en quelque sorte l’offre de recherche ; dans le jargon des organismes internationaux cela s’appelle « capacity building ».
  • créer des mécanismes qui consolident les communautés scientifiques (coopération, évaluation, revues, création d’un statut de chercheur comme les « systèmes de recherche » ou « PPI » .au Venezuela).
  • assurer une insertion sociale dans le pays et créer un contexte plus général plus favorable à la recherche.
    Mais aussi des objectifs conjoncturels ou liés à un secteur particulier industriel ou de ressources dans le pays (agriculture, mines, santé publique, industries militaires, autres industries).

Plusieurs de ces objectifs reposent sur la coopération internationale (voir section suivante).

Avec la multiplication des instituts de recherche, la mise en place de politiques d’innovation. La politique S&T s’est modifiée. Le rôle de l’état s’est vu redéfini, surtout à la lumière du développement technologique des pays asiatiques et de l’échec des politiques d’industrialisation des années 70 et 80 (notamment dans des pays comme l’Algérie, plusieurs pays africains) et lña remise en cause de la technique dans le développement national.

Voir la réflexion de Ali El-Kenz sur le monde Arabe et l’Algérie ("Hermes et prométhée").

L’insertion internationale de la recherche des PED

Les organismes internationaux

L’exportation du modèle Unesco dans les années 60.

Le retour des diplômés.

L’aide au développement

La révolution verte : un succès dont on n’a pas mesurer les effets cognitifs et les choix économiques.

Les organismes internationaux

L’Europe : les PED en baisse dans les coopérations internationales.

Le développement durable : résultat d’un débat idéologique, d’une histoire des idées, très européocentrique, où le développement est une idéologie, un objectif idéal.

La coopération bilatérale

Les grands pays donateurs face au développement scientifique

Les agences bilatérales

Agences et instituts dans le débat Nord-Sud.

Le développement technologique

Remise en cause du modèle des transferts de technologie

Le débat sur les transferts de technologie.
Nouveaux investissements internationaux, rôle des grandes entreprises, mondialisation des échanges.
La découverte du développement industriel localisé (« clusters » industriels).

Le catching-up des pays Asiatiques

Le Japon, Singapour, Corée du Sud, Taiwan, Chine

L’apprentissage technologique : au cœur du développement technologique

Apprentissage et industrialisation

Enquêtes chimie comme exemple

Il existe des « secteurs » industriels, groupes d’entreprises, plus actifs dans le développement technologique. C’est le résultat d’un choix de l’entreprise pas d’une stratégie de sortie de crise. Le contexte économique peut avoir raison de ce choix et interrompre ce choix ou le modifier vers une croissance plus basée sur le développement financier, la croissance « externe » par rachat d’entreprises, ou autre. Là encore ce ne sont pas options qui se mettent en place de manière automatiques, mais le résultats de choix opérés par des hommes (et des femmes). D’où l’intérêt de connaître leurs origines, leur formation, leur engagement politique.

Les nouvelles politiques scientifiques et technologique orientées vers l’innovation


Le « capacity building », l’innovation, la coopération. La redéfinition des rôles de l’état et des coopérations scientifiques internationales.

Conclusion : Questions en suspens

Les sciences sociales. Leur rôle dans la formation de la science.
Les choix des étudiants, le brain-drain
Sciences ou technologie ?
Public ou privé ?
Politiques d’innovation vs. politique de développement S&T. Ce dernier débat repose la question des types de recherche.

Voir les RÉFÉRENCES DU COURS ici

Posté le 6 avril 2005