La discrimination raciale en France

France, terre d’acceuil ? En tout cas, la discrimination raciale joue à plein encore en France. C’est le constat d’un important rapport dirigé par Roger Fauroux, publié par la Documentation Française.

Le rapport constate :

Dans le monde du travail, la discrimination raciale est avérée. Elle est un obstacle inacceptable
dans l’accès à l’emploi pour les minorités visibles. Elle affecte durement les victimes, les
entreprises et la société dans son ensemble.

Le constat de ce rapport est que la discrimination raciale est non seulement avérée mais particulièrement forte :

Quelques exemples, pour illustrer l’ampleur des discriminations :

  • si les écarts de probabilité dans l’accès à l’emploi entre les jeunes d’origine française et ceux d’origine maghrébine oscillent entre 15 et 18 de points de %, un tiers de cet écart n’est pas justifié par les différences de caractéristiques entre ces deux populations et peut être donc expliqué par la discrimination qui les frappe. En matière d’accès à un CDI, la différence inexpliquée s’élève pour les hommes maghrébins à 44 %2.
  • un homme qui porte un prénom et un nom maghrébin, résidant à Paris, d’apparence standard, a 5 fois moins de chance qu’un homme aux nom et prénom français, « blanc de peau », « d’apparence standard », d’obtenir une convocation à un entretien d’embauche après envoi d’un CV similaire.
  • une candidate d’origine maghrébine, disposant pourtant d’un meilleur CV (majore de promotion, expérience d’encadrement...) reçoit trois fois moins de convocations à un entretien pour un poste de commercial que les candidats « de référence », d’âge équivalent, « blancs de
    peau ». Pour cette candidate, 8% de ces réponses concernent un poste à Paris alors que la proportion de propositions sur Paris s’établit à 25 % pour les candidats « de référence » !
  • une partie des affaires de discriminations à l’embauche ayant donné lieu à contentieux est révélée par le recours mal dissimulé au code BBR (Bleu, blanc, rouge), dont l’existence même et l’utilisation partagée ne manquent pas d’interroger sur la généralisation des phénomènes de
    discriminations et la faible prise de conscience des interdits en la matière.
  • des agences d’intérim avaient créé des fichiers informatiques pour répertorier les
    personnes d’origine étrangères afin de mieux satisfaire les clients qui n’en voulaient pas dans leurs
    effectifs ou seulement dans de faibles proportions ; le refus de répondre à ce type d’injonction a
    conduit une agence d’intérim à perdre les deux tiers de son chiffre d’affaire.
  • des entreprises de prospection par téléphone « invitent » leurs salariés à franciser leur prénom lorsqu’il présente une consonance étrangère.
  • parmi les 30 % d’élèves d’une promotion d’un LEP en échec dans leur recherche de stage, les jeunes issus de l’immigration sont largement sur-représentés.

La situation est probablement plus grave qu’on ne veux le penser :

Dans le monde du travail, entreprises et acteurs de l’emploi n’ont d’ailleurs pas pris la mesure de
l’ampleur des pratiques discriminatoires, encore moins de la façon dont ils peuvent co-produire
certaines formes de discrimination. Même l’interdit légal est peu intégré !

La confrontation à la problématique de la discrimination suscite très souvent une réaction défensive vis-à-vis de ce qui est alors ressenti comme une accusation de racisme. Ouvrir le débat place chacun face au risque d’une interrogation de ses propres représentations. Le moyen le plus simple de s’en préserver reste incantatoire : je ne suis pas raciste, je ne suis pas concerné.

Le rapport propose un certain nombre de mesures additionnelles à la création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) créée en décembre 2004. En effet, les mesures répressives ont été de peu de poids à ce jour. Les administrations publiques en France agissent de manière assez volontaristes. Mais un effort supplémentaire doit être mené. Le rapport propose :

Les propositions peuvent être regroupées en six points.

  • Les premières visent au développement et à la mutualisation des outils permettant la prise de conscience, la sensibilisation et la formation des acteurs ; elles incitent à la formalisation d’accords
    et de programmes d’action sur les territoires et dans les entreprises.
  • Les deuxièmes ont trait à la mesure de la diversité qui, sous certaines conditions, permettra une meilleure connaissance des personnels de l’entreprise, la formalisation d’actions ciblées et
    l’évaluation des programmes engagés.
  • Une attention particulière est ensuite portée aux procédures de recrutement et de gestion des
    ressources humaines, dont la réforme apparaît indispensable. Parmi les outils à disposition de
    l’entreprise, l’anonymisation du CV et la méthode de recrutement par simulation doivent être
    développées.
  • Les modalités d’un rapprochement entre les entreprises et les publics concernés sont par ailleurs envisagées, que ce soit pour les stages ou plus largement dans le cadre des politiques d’insertion ou d’emploi.
  • Enfin, le rôle des pouvoirs publics est examiné sous plusieurs angles : la communication, la labellisation, la réactivation du dispositif juridique, et l’intervention des collectivités territoriales.


Image de Margerin vendu aux enchères au profit de DAL.

On peut lire le rapport et ses propositions sur le site de la Documentation française.

Merci à l’émission Culture matin de France Culture.

Posté le 10 octobre 2005