Cadeau de Noël : les variations Goldberg de Bach par Simone Dinnerstein

A Noël il faut s’offrir des cadeaux. Les disques sont parmi les plus beaux des cadeaux.

Un de ces cadeaux peut être cette magnifique interprétation nouvelle des variations Goldberg de Bach. Evidemment, me dira-t-on, Glenn Gould a fait mieux ! Et bien justement, je trouve cette interprétation pleine d’une chaleur qui manque à Gould. Je trouve aussi que la vitesse d’interprétation de Simone Dinnerstein -puisque c’est d’elle dont il s’agit- en étant plus lente que celle à laquelle nous sommes habitués depuis Gould, convient bien à ces morceaux. Bref, Il faut absolument écouter les variations Goldberg de Simone Dinnerstein.

Et si vous ne me croyez pas, lire ce chouette article de Evan Eisenberg dans Slate sur la pianiste et en particulier sur ces Variations Goldberg.

"L’état de rêverie fugace (ou devrait-on dire canon ?) que provoque Dinnerstein semble montrer la voie que Bach a tracé pour la musique occidentale pendant 200 ans" [1]

Et aussi :

On sent que, Dinnerstein jouait pour quelqu’un là où Gould jouait pour lui même et peut-être s’il était d’humeur plus sociable pour Bach. Gould a été un des premiers musiciens classiques a avoir dominé ce mode phonographique particulier que j’ai appelé "cool" ("distant") : plutôt que de chercher l’auditeur, il laisse l’auditeur venir à lui. La performance de Dinnerstein est tout sauf distante ; elle rayonne avec une chaleur que j’ai du mal à ne pas qualifier de maternelle. Et pourtant, elle a sa propre profonde intériorité. Dinnerstein a quelque peu permis de comprendre cela : "Quand vous êtes enceinte, vous êtes consciente d’avoir quelqu’un avec vous mais qui est aussi tout à fait vous. La manière la plus solitaire de jouer est en un sens de jouer en portant un bébé"" [2]

Où il est donc question de chaleur humaine et pas du simple calcul que pourrait induire la rigueur mathématique de Bach.

En ce sens, je trouve la 15-ème et 25-ème variation splendides dans cette forme très intérieure. Mais tout n’est pas aussi lent : la 26-ème est rapide et on imagine ses doigts effleurer les touches mais sans jamais perdre cette rythmique très marquée qui caractérise toutes les variations (la "fugue" !). De plus l’avant-denière (29ème) variation avec son aspect extrêmement rythmique et solennel montre que les mots comme "douceur" et "charme" ne s’accorderait pas du tout au toucher magistral de cette jeune maman !! Bref, cet enregistrement est une merveille.

[1In the dreamlike fugue state (or maybe canon state) that Dinnerstein induces, Bach seems to be channeling the next 200 years of Western music.

[2One feels that Dinnerstein was, from the start, playing for someone-unlike Gould, who played for himself and maybe, if he was in a sociable mood, Bach. Gould was one of the first classical musicians to master the mode of phonography I’ve called "cool" : Rather than reach out to the listener, he lets the listener come to him. Dinnerstein’s performance is anything but cool ; it glows with a warmth that I will, with difficulty, restrain myself from calling maternal. Yet it has its own profound inwardness. Dinnerstein sheds some light on this : "When you’re pregnant, you’re aware of having somebody else there, but it’s also very much you. In a way, the most playing for yourself you could possibly do is playing with a baby inside."

Posté le 25 décembre 2007