IRD en lutte comme de nombreux autres instituts de recherche

Mme Pécresse a du souci à se faire... Le nombre de labos en lutte et autres institutions qui râlent augmente à grands pas. Il paraitrait que le Président parle de la manière la plus désagréable à son propos -comme si elle était responsable de cet énorme gâchis. Mais ce n’est pas elle qui est en cause, bien que son absence de connaissance du monde de la recherche ait probablement joué contre elle. Ce qui est en cause c’est toute un vision marchande de la recherche qui voudrait que la recherche s’autofinance.

Pour cela, le plan -officieux- consistait à dissoudre les organismes publics de recherche, et intégrer les labos dans les universités, ce qui aurait permis, toujours selon cette idée, aux dites universités —devenues de recherche— de tirer plus de revenus car les labos savent attirer des financements externes -voire vendre leurs produits- et permettre ainsi aux universités de d’autofinancer.

Les universitaires n’ont pas tout de suite compris la manœuvre car récupérer des moyens n’est jamais une mauvaise chose. Mais ils ont vite déchanté quand ils ont vu que leur statut était aussi en cause. Car ce modèle suppose que les chercheurs deviennent des concurrents des enseignants. La blague qui consiste à dire que les enseignants-chercheurs sauront distribuer leur temps entre recherche et enseignement ne fait pas cas des besoins de formation de base. Nos travaux à l’IRD sur les chercheurs dans les pays en développement montrent que ceux-ci sont avant tout des enseignants. Obtenir un statut pour les chercheurs et la recherche est une des principales revendication des chercheurs ailleurs, là où les besoins sont grands aussi bien en recherche comme en formation de haut niveau. Bref ce modèle est illusoire.

Une autre patte de ce modèle est qu’il suppose que la mise en concurrence des chercheurs va augmenter leur productivité. La dissolution des organismes de recherche en marche en France s’accomagne de la création d’agences de moyens. Le premier effet de la création de l’ANR a très probablement été de détourner les français des financements européens. Cela ne fait que renforcer le provincialisme. mais surtout la création de ces agences voudrait en fait permettre de financer non pas un budget récurrent des organismes de recherche mais des projets. Les financements sur projets sont partout monnaie courante mais ici en France on avait des habitudes lègèrement différentes. Supposons que le modèle français ne soit pas bon : renforcer les financements concurrentiels des agences ne garantit en rien une plus grande productivité. Déjà parce que pour obtenir les financements il faut travailler à monter des projets. ce travail- du coûts de transaction diraient les économistes- est perdu. De plus, l’administration, un problème typique d’agence, devient autre que celle existante. Encore aujourd’hui à l’IRD par exemple, il n’existe pas de service de gestion des projets. L’École des Mines a fabriqué une entreprise pour cela. de nombreux labos se débrouillent avec la justification des coûts selon des normes à différentes pour chaque financeur : je ne suis pas sûr que le temps passé à ce petit jeu est moins coûteux que celui qui consistait à gérer en interne des projets sans concurrence.

La productivité de la recherche est extrêmement difficile à mesurer ; la bibliométrie individuelle est une absurdité et les mesures combinant bibliométrie et autres indicateurs sont loin d’être probantes [1] . Mais même si on savait mesurer cette productivité de manière sûre, rien ne dit que la compétition serait une chose fonctionnelle pour la recherche. Poru les raisons expliquées ci-dessus.

Et puis il y a le problème politique. La dissolution des Établissements Publics à caractère Scientifique et Technique ou EPST, grand programme de la Sarkozie, ne passera probablement pas comme un lettre à la poste. L’IRD qui a été très malmené va encore souffrir. Mais en compagnie aussi du CNRS, de l’INRA, de l’INSERM, bref de tous les Établissements Publics à caractère Scientifique et Technique dédiés à la recherche. Ceux classés EPIC, comme par exemple le CEA, n’ont pas l’air très touchés. Ils ont tort. Même si le gouvernement ne les a pas dans la ligne de mire, même s’ils ont plus de possibilités de trouver des financements externes par vente de leurs services, une recherche de base malmenée assèchera le flux des connaissances, de toutes les connaissances, de celles purement invendables aux plus vendables.

Le pire dans tout cela sont le mensonges purs et simples, qui cachent la véritable baisse des fonds destinés à la recherche. Tout le contraire de ce que propose le gouvernement américain à travers le Recovery Act et à travers une agmentation des budgets fédéraux de la recherche -voir : le budget Obama de la recherche dans SSTI Weekly Digest, Vol. 14, Issue 1. Une augmentation de près de 4 milliards du budget de la NSF pour le porter à un total de dix milliards de USD, une augmentation importante du budget du NIH qui est proche maintenant de 30 milliards de USD. Sans parler de l’energie, la défense, et les autres ministères. Bref, on est dans une phase d’augmentation budgétaire pouu la recherche, pas de baisse. LE 22 janvier, Sarkozy non seulement s’est permis d’insulter les chercheurs ; il a aussi dit qu’il ne donnerait plus de moyens que si on effectuait d’abord la réforme. Et il a répété la même chose pour les hôpitaux. Toujours cette logique politique qui consiste d’abord à menacer puis ensuite à tempérer.

Bref, les labos sont en lutte et cela cristallise en un sorte de défiance. depuis aujourd’hui nos labos basés sur le site de Bondy sont en lutte. Je pense que ce n’est que le début. C’est en attaquant la recherche que cette Ministre va couler.

[1Une américaine a ainsi montré par exemple que les Mexicains sont bcp plus productifs que les Etats-uniens en matière de recherche....Holmgren, Milena et Stefan A. Schnitzer (2004). "Science on the Rise in Developing Countries." PLOS Biology, 2 (1), p. 10-13. Et je suis pas loin de penser qu’elle a raison....

Posté le 6 mars 2009