Le mensonge comme politique

Un rapport dénonce les pratiques irrégulières et la pratique du mensonge du gouvernement Bush

En matière de science comme ailleurs, le gouvernement Bush règne par le mensonge. Les preuves en sont éclatantes. Que se soit au sujet des affaires économiques, de politique internationale ou des questions scientifiques.

Heureusement, des voix s’élèvent contre cette permanente attaque à la raison.

Dernière en date celle de l’Union des scientifiques responsables (Union of Concerned Scientists), qui ont écrit un rapport sur la façon dont sont utilisées les données par le gouvernement Bush.

En France, en Italie, même combat ?

Les mêmes questions concernant cette politique du mensonge aux USA me semblent valables pour la France de Chirac. Un président qui intervient dans les médias pour juger le jugement des juges sur Juppé, la baisse des budgets dans la recherche et la manipulation mensongère éhontée des données -par exemple dans les discours des Ministres et des directeurs d’organismes, les déclarations fumeuses d’un Ministre de l’éducation qui cependant ne perd pas le Nord en envoyant à tous les enseignants un petit fascicule de propagande, une attaque en règle de tous les budgets « sociaux » et culturels mis en place par les anciens gouvernements, la surdité face aux revendications des intermittents du spectacle. Il y a sûrement d’autres domaines encore, car ce qui ressort est une sorte de mode de comportement. Privilégier les acteurs purement marchands, puissants et riches, en leur donnant les coudées franches. Remettre en cause la crédibilité de ceux qui s’opposent à ces manipulations : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». Mentir, tout simplement de la manière la plus éhontée, en « suivant le vieil adage plus c’est gros mieux ça passe ».

L’Italie de Berlusconi ne me semble pas mieux lotie. Très bon papier de Tim Parks sur l’Italie de Berlusconi dans la New York review of books (payant, oui je sais c’est casse-pied, mais je suis abonné à la version papier).

La question est aussi pourquoi jusqu’à présent si peu de voix se sont opposés à ces pratiques. Qu’est-ce qui fait que le gouvernement Bush a finalement une telle acceptation parmi la grande majorité de la population ? Cette question mérite qu’on y réfléchisse, comme le souligne avec justesse Paul Krugman, si nous ne voulons pas voir disparaître « le pays tel que je l’ai connu », plus grave si nous ne voulons pas voir disparaître une forme de démocratie.

Mais il y va aussi de notre santé et celle de nos enfants, de notre qualité de vie, de nos possibilités futures de développement et d’épanouissement. Bref, de notre vie.

D’autant plus que cette question de la tolérance vis-à-vis des abus du pouvoir est celle qu’auraient du se poser nos aînés quelque part aux environs des années trente, en Europe, en Allemagne.

Quelques pistes de réflexion comme essai de réponse. De manière plus générale, voici à mon humble avis ce que font ces dirigeants nouvelle mode (ou le Nouveau Machiavel) :

1. Mentir sans jamais montrer le moindre doute. C’est finalement le secret. Peu importe ce que j’ai dit, ou ce que j’ai pu dire ; peu importe ce que je fais. Je dirais toujours l’opposé de ce que je fait et j’utiliserai les vieilles antiennes comme l’amour de la Patrie, la défense de nos valeurs fondamentales, pour me défendre -plutôt que de parler de ce que je fais à la maison, dans mon portefeuille, avec mes amis et ma famille, quand j’utilise les fonds et les positions publiques.

2. Soutenir de manière systématique les grandes entreprises et les pôles de pouvoir qui se trouvent proches de la famille des dirigeants politique -donc pas toutes les entreprises ni toutes les personnalités du pouvoir. Cela assure une intervention du politique directement dans la gestion des affaires des entreprises et des intérêts de certains groupes industriels dans les affaires publiques. Bref, un mode de gestion quasi-clanique du pouvoir, très différent de celui mis en place en occident depuis disons la fin la deuxième guerre.

3. La religion au pouvoir. Cela est un ressort ancien, mais aujourd’hui très réel. Plutôt que d’argumenter, laisser aux différents intégrismes une part croissante d’espace public. A terme les écoles deviendront une courroie de transmission de l’abrutissement des esprits. La concession aux intégrismes est d’autant pus importante que les intégristes recrutent parmi les plus pauvres et donc utilisent comme base sociale les hommes et les femmes laissés pour compte du système. Plus le contrôle est clanique, plus cette masse est nombreuse. La meilleure manière de la canaliser c’est bien sûr le contrôle idéologique communautaire, à la base.

Qu’est-ce qui fait que les gens -nous, donc- acceptent ?

1. Garantir l’inégalité en augmentant considérablement l’écart entre riches et pauvres et en fermant l’accès au pouvoir par des filières démocratiques (comme l’école et l’éducation, l’avancement interne, la promotion des méritants à des postes de pouvoir). Si vous n’êtes pas « people » vous ne le deviendrez pas, ou alors pour un temps trop court pour réellement rentrer dans la cour des grands. Ce n’est pas seulement un simple écart entre riches et pauvres ; c’est un écart aussi profond que celui qui divise les intouchables des autres castes, les indiens des mestizos en Amérique latine. Un barrage extrêmement difficile à passer, un mur de Berlin, un mur aussi haut et difficile à passer que celui que construit l’état d’Israël, une frontière où les risques de se noyer sont élevés.

2. Maintenir une participation factice, pour étouffer la volonté de véritable participation citoyenne. Cela est vrai des comités scientifiques comme des parlements. Ainsi vous pensez être représenté, et si vous ne le pensez pas, et bien vous êtes qualifié de mauvaise foi (voir la réponse de Monsieur Bromley conseiller sceintifique de Bush au rapport des scientifiques responsables : C’est une manoeuvre politicienne à cause des élections).

3. Une manipulation intelligente des médias. Et surtout la détention de ces dits médias. Voir les Murdoch et les Berlusconi. Voir la couverture tendancieuse de la guerre en Iraq, plus par omission que par réel mensonge. Vois l’attaque en règle contre la BBC par le gouvernement Blair. Le résultat le plus immédiat des accords de l’OMC, c’est l’intervention massive des capitaux privés dans la gestion des médias -y compris en Chine où Murdoch investit massivement. La question est donc d’acheter les médias (plutôt que les journalistes, comme on faisait autrefois) pour contrôler l’accès massif à l’information.

Peut-être que nos gesticulations en France pour dénoncer l’attaque en règle de la recherche et de la culture devraient-elles s’associer de plus près à celles de nos collègues outre-atlantique.

Mais réfléchir n’empêche pas d’agir...

Lire le rapport Restoring the integrity of science :

http://www.ucsusa.org/global_enviro...

Lire aussi les deux articles de Paul Krugman dans le New York Review of Books -devenue, en ces temps d’attaque contre les intellectuels, un bastion de l’anti-bushisme !

The Wars of the Texas Succession : Article du 26 Février 2004 (gratuit)

Strictly Business. Article du 20 novembre 2003 (payant) :

Posté le 23 février 2004