Emeutes dans les banlieues

Semaine brûlante en France. Les banlieues explosent.

(Lire aussi Les émeutes vues du Liban et Des journalistes à Bondy)

Devant notre bureau, à Bondy, un camion fume encore ce jeudi matin. La comptable nous parle de 37 voitures brûlées à Bondy. Mais aussi un magasin (Tu te rends compte ils ont aussi cramé le Mondial Moquette) Les carcasses de voitures jonchent le sol. Une odeur de brûlé règne. Le soir du bureau on entend des dizaines de voitures de police. Le soir, je rentre trop tard : pas de bus. C’est le couvre feu. Devant la cité des cars de police grouillent. Images qui ne semblent pas être des images de France.

Deux bonnes émissions ( C dans l’air sur France 5) essayent d’interroger les spécialistes. Tous s’accordent à parler de la responsabilité d’un gouvernement qui fait peu, très peu pour les gens pauvres. Evidemment le gouvernement ne peux pas être tenu pour responsable de la crise économique (encore que...), mais par contre l’absence de justice, si, certainement ! Que le Miinistre de l’Intérieur n’a fait que souligner en ne parlant que des gangs organisés. Même Borloo dans le poste aurait déclaré que cela est un constat d’échec. Pour le moment l’heure n’est pas aux explications.

Le très rapide embrasement des banlieues me rappelle la vitesse avec laquelle s’était propagé la violence lors des émeutes de Caracas en 1988 [1] Il semble qu’il y ait une mécanique de la violence sociale qui se déclenche une fois passé un certain seuil. Comme ce phénomène de cristallisation dont parle Elias Canetti pour décrire ce moment où une foule devient une sorte de force organisée après n’avoir été qu’une masse humaine, la violence "sans raison" s’est propagée très vite, histoire d’exprimer son mécontentement, le simple ras-l’bol.

En tout cas, cette violence des rues est une sorte de soupape de sécurité de cette autre violence, très sourde, économique, et qui se double d’un problème racial de plus en plus fort (voir le rapport sur les discriminations raciales). De plus, la réponse communautariste est particulièrement inadaptée et participe même de cette violence puisqu’elle agrandit le fossé entre le centre-ville et les banlieues en confinant la population un peu café au lait et noire aux abords des villes.

Comme tout acte de violence, ces émeutes comportent elles-même une forte dose d’injustice qui repond à l’injustice sociale que subissent les habitants de ces villes de la banlieue parisienne.

Tout cela va donner encore des beaux jours aux fachos de tout poils, aux vendeurs de caméras de video-surveillance, aux entreprises de "sécurité". Et la police en a pris pour son grade, et a perdu la confiance des citoyens, ce qui ne présage jamais rien de bon.


  • Sur Afrik.com une vidéo particulièrement violente où un policier tire sur les jeunes, assez excité. Ce qui est certain c’est que la confiance est rompue entre la police et les jeunes des banlieues qui en ont assez d’être assimilés à la "racaille".

[1Les émeutes de février 1988 furent provoquées par une augmentation du ticket de bus entre une petite ville de province et Caracas. Il s’en est suivi des émeutes pendant trois jours, qu el’on appelé le "Caracazo". A la suite des émeutes, où le FMI et l’ajustement structurel furent mis sur la sellette, le gouvernement perdit les élections et Carlos Andrés Pérez fut plébiscité tel l’homme providentiel. Il est l’un des rares présidents de la république a avor été mis en prison pour corruption. C’est à la suite de cet échec patent du système politique que furent entrepris des coups d’états successifs qui finirent par devenir la solution. L’un de ces coups d’états fut celui dirigé par Chávez. La morale de cette histoire est que les émeutes ne sont pas des générateurs de "solution aux questions sociales" mais des perturbations qui expriment le désarrooi et la colère. Un peuple en colère est un peuple dangeureux, les hommes politiques devraient s’en souvenir plus souvent.

Posté le 3 novembre 2005