Soutenance de thèse : « La France et les enfants d’immigrés : une crise du don », 2 juin 2010

Julien Rémy soutiendra, le 2 juin, sa thèse de doctorat intitulée« La France et les enfants d’immigrés : une crise du don », dirigée par Alain Caillé. Paris Ouest-la Défense

Ce travail permettra-t-il de faire avancer ce "débat" sur les enfants d’immigrés, sur leur place dans la société française, sur la discrimination raciale, sans avoir à faire référence à l’abominable "identité nationale" ? Le "pardon" serait-il une issue ? Cela me fait étrangement penser aux Commissions de vérité et de réconciliation en Afrique du Sud (le pardon contre la confession pleine) et au Maroc (où le pardon est passé par une promesse de dédomagement aux familles) . Ces exemples, entre autres, mais il faudrait penser aussi au Rwanda où cela ne semble pas avoir eu lieu, où la "justice internationale" n’a pas eu le même relais national. En Grèce, il y a eu condamnation mais pas de pardon donné aux colonels ; idem pour le procès des bourreaux. Bref, je ne connais que le cas d’Afrique du Sud pour s’être véritablement engagé dans cette voie du "pardon". Enfin, voilà un débat passionnant en vue.

Résumé de l’auteur :

La relation entre la France et les enfants d’immigrés peut être caractérisée par une “crise du don” jouant sur un plan symbolique et mettant en scène deux représentations opposées : celle d’une France qui se présente comme une créancière absolue ; celle des enfants d’immigrés pour qui c’est au contraire la France qui est en dette. Dans ce contexte, où chaque partie pense avoir plus donné que reçu, le don, ciment social sur lequel est bâtie chaque société, n’apparaît plus possible.

Face au regard porté par une partie de la société française sur les enfants d’immigrés, qui s’apparente à ce que nous appelons le “surendettement symbolique”, il y a différentes formes de réponses possibles, comme l’acception du surendettement, ou au contraire sa contestation. Cette thèse s’intéresse plus particulièrement à la réponse du ressentiment, qui aboutit au renversement du surendettement symbolique, et donc à la représentation d’une France accablée par une dette insolvable. C’est ce positionnement particulier qui alimente la “crise du don” et cristallise les rapports sociaux dans les quartiers populaires et d’immigration.

Conceptuellement, seul un événement tel que le pardon peut permettre de sortir de cette “crise du don”. Chercher à cacher les offenses, ou à les travestir en bonne œuvre, conduira ceux qui estiment en être les victimes à les déterrer, et au combat pour leur reconnaissance. Le pardon passe par une véritable reconnaissance des torts de la part de l’offenseur. L’offensé pourra, dans un second temps, libérer l’offenseur de sa dette en pardonnant. L’établissement de rapports sociaux libérés des contentieux du passé sera alors à nouveau possible.

(merci La revue du Mauss permanente)


J’en profite pour signaler un ouvrage extraordinaire qui touche aussi cette question (en partie) :

  • Welzer, H. (2008). Les guerres du climat. Pourquoi on tue au XXI-ème siècle. Paris : NRF Essais.

Aussi plus sur le sujet :

  • Khiari, S. (2009). La contre-révolution coloniale en France de de Gaulle à Sarkozy. Paris, La Fabrique.

Ce brûlot très pensé est un ouvrage militant d’un "indigène de la République" qui traite de manière rude et décapante la question du racisme, de l’immigration et de la dérive islamophobe actuelle. Une lecture partisane de l’histoire, mais qui permet de se poser quelques questions essentielles. Bref un livre pas politiquement correct et qui le revendique.

Enfin un article publié dans Granta avec ce titre assez terrifiant : Hussey, A. (2008). "The Paris Intifada. The Long War in the Banlieue." Granta 101 : p.41-60. (payant)

Terrifiant article que celui de Andrew Hussey qui a aussi rédigé un livre sur la vie culturelle en France (Paris. The secret history). Il est doyen de l’université de Londres, Institut de Paris. .

One cold evening in late November last year I left my flat in southern Paris, took the métro to Saint-Denis, a suburb to the north of the city, and then a bus to an outlying council estate, or cité, called Villiers-le-Bel. The journey took little more than an hour but marked a sharp transition between two worlds : the calm centre of the city and the troubled banlieue. Banlieue is often mistranslated into English as ‘suburb’ but this conveys nothing of the fear and contempt that many middle-class French people invest in the word. It first became widely used in the late nineteenth and early twentieth centuries to describe the areas outside Paris, where city-dwellers came and settled and built houses with gardens on the English model. One of the paradoxes of life in the banlieue is that it was originally about hope and human dignity.

Il défend la thèse d’un anti-sémitisme réel dans les banlieues. Il fouille les racines du groupe de Fofana. Aucun juif n’habite dans les banlieue dit-il.... Référence à "La Haine", le film de Kassovitz qui met en scène un feuj et un beur qui font alliance contre l’autorité, situation tout aussi fictionnelle et irréaliste que "Le fabuleux destin d’Amélie Poulain". Le malaise de la banlieue tire sa source de la guerre d’Algérie. Les français refusent de reconnaître les crimes du colonialisme. La décolonisation est un choc notamment parce que la guerre d’Algérie a inventé la guerre "asymétrique" contre les groupes terroristes et la légitimation de la torture au nom de la démocratie.

Si on veut plus académique, lire "La condition noire" de Pap Ndiaye. Deux extraits sur Agoravox.. Le noir n’est pas politiquement correct !

Tout cela, ce sont juste des notes, pour "aller plus loin" comme on dit dans les bonnes revues.


(MàJ 15 Novembre 2015) : Un thème supplémentaire, important, celui des entreprises créées dans les banlieues par les enfants d’immigrés. Cf sa page sur IFRIS et sur son labo, le LISE au CNAM.

Citons :

  • Bouyacoub, A. et Madoui, M. (Eds.). (2003). Entreprises, entrepreneurs et gouvernance des PME-PMI : Approches franco-algériennes. Paris : CNAM. 
  • Madoui, M. (2006). Entrepreneurs d’origine maghrébine en France et capital social. In A. Bévort et M. Lallement (Eds.), Le capital social. Paris : La découverte.
  • Madoui, M. et Gillet, A. (2005). Crise et mutations du modèle de développement algérien. Travail et Emploi. 101 (Janvier-mars), 71-84.
  • Madoui M., Entreprises et entrepreneurs en Algérie et dans l’immigration. Un essai de sociologie économique, Paris, 2012.
  • Madoui M., 2012, « Migrations » in Bevort A., Jobert A., Lallement M. et Mias A. (dir), Le dictionnaire du travail, Paris, PUF [Quadrige].- Madoui M., 2011, « Mondialisation et recompositions du capitalisme algérien. L’émergence d’une nouvelle figure, l’entrepreneur religieux », Méditerranée, n°116, oct. 2011.
  • Madoui M. et Denieuil P.-N. (eds.), Entrepreneurs maghrébins. Terrains en développement, Paris, Karthala, 2011.
Posté le 26 mai 2010